Prise de Kaboul par les talibans
Le retour des talibans, dimanche 15 août, à la tête de l’Afghanistan qu’ils ont dirigé de 1996 à 2001 pèsera plus lourdement sur le monde que leur premier passage. La chute de Kaboul et la crainte, selon certains diplomates, « de voir s’installer un régime théocratique dur, à l’iranienne » ouvrent une nouvelle page d’incertitude. Plus présentable sur la scène internationale et adossé aux puissances régionales, dont la Chine, le régime taliban pourrait demeurer un refuge du terrorisme international et inspirer nombre de mouvements islamistes radicaux désireux de renverser des régimes au pouvoir.
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Les talibans de 2021 ne sont plus les étudiants en religion venus des campagnes et ne connaissant rien du monde. Ils ont vaincu la première puissance mondiale, les Etats-Unis, et l’OTAN. Ils sont devenus une force politique reçue dans plusieurs capitales du monde et qui a même conclu un accord avec les Etats-Unis de Donald Trump en 2020. Ils ont développé une stratégie militaire complexe sur le long terme, « sans doute inspirée par leurs mentors pakistanais », confiait au Monde, en mai, un haut gradé de l’OTAN à Kaboul. Et ils ont su exprimer, souvent en anglais, une pensée qui faisait dire en 2018 à certains militaires britanniques déployés en Afghanistan « qu’ils comptaient sans doute dans leurs rangs des Afghano-Pakistanais diplômés d’Oxford ou de Cambridge ».
Entre 1996 et 2001, seuls trois pays, le Pakistan, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, avaient reconnu le gouvernement taliban. Cette fois-ci, de grandes capitales régionales pourraient légitimer les nouveaux maîtres de Kaboul et leur donner une surface diplomatique et politique internationale. Ainsi, Pékin, Moscou, Téhéran et Doha ont déjà évoqué l’après-victoire des talibans lors de rencontres officielles, entre 2018 et 2021, lorsque ces puissances, sous le couvert de missions de bons offices pour mettre fin à la guerre afghane, négociaient les conditions de leur partenariat avec les futurs chefs de l’Afghanistan.
Souci de formalisme et prudence
Deux jours après l’entrée des talibans à Kaboul, ces capitales semblaient attendre d’en savoir un peu plus sur les contours de l’administration intérimaire en cours de formation. Un souci de formalisme mais aussi une prudence quant aux soubresauts internes au mouvement taliban. Les pays occidentaux ont indiqué, fin juillet et début août, qu’il n’y aurait pas de reconnaissance si les talibans prenaient Kaboul par la force.
Par Jacques Follorou Le Monde