Glissement de terrain dans le du secteur de Tourelle à Sainte-Anne-des-Monts
Pour trois frères des quatre victimes, les images de ce qu'ils appellent « le déboulis » sont toujours bien vives. « Ça ne s'oubliera jamais », laisse tomber Roland Therrien, le benjamin de la famille aujourd'hui âgé de 69 ans. « Ça a été un déchirement toute notre vie », ajoute son frère Jacques, 72 ans.
(Entrevue accordée en 2013)
« Après le souper, l'électricité s'est mise à manquer, raconte le septuagénaire. Je voyais le feu dans les poteaux. J'ai entendu du monde parler qu'un « déboulis » venait d'arriver. Je suis allé voir. Il y avait un précipice. Je suis allé sur le bord. On m'a dit qu'il y avait un camion de tombé. J'ai tout de suite pensé à mes frères. Je les ai cherchés, mais je ne les trouvais pas. »
Quelques minutes plus tard, la maison de la famille de Gérard Vallée bascule dans le gouffre. « Le poêle à bois était allumé, relate Jacques. Le feu a pris dans la maison en tombant. » La dizaine de personnes qui se trouvaient à l'intérieur ont pu sortir à temps.
Presque simultanément, c'est au tour de la maison de Norbert St-Laurent de glisser dans le St-Laurent. « Il dormait dans sa maison, se rappelle Fernand. Ils sont venus le chercher dans le fleuve. » Il en a été tout autant pour la résidence de Georges Pelletier qui a été poussée dans la mer par le torrent de boue. « La glaise est rentrée dans le Café La Tourelle, propriété d'Alfred Ross, continue Jacques. Tout le monde a eu le temps de sortir. Le camion qui était à côté est tombé dans le cratère. »
Un couple, Sylvert Miville et Ghislaine Ross, circulait lorsque le sol argileux s'est dérobé sous les roues de leur véhicule. « Ils sont tombés, puis ont versé avec le tapon de terre, décrit Jacques. L'auto a arrêté quand le terrain a cessé de glisser. »
Les quatre frères Therrien ont eu moins de chance. « Mes frères ont piqué du nez dans le cratère, puis ensuite, ils ont versé sur le top, explique Roland. Ils sont morts sous l'impact. » Ce n'est que le lendemain que les corps de Jean-Baptiste, Raymond, Onésime et Benoit Therrien, âgés de 20 à 32 ans, ont été récupérés. Raymond était père de trois filles. Outre les quatre décès et les neuf maisons envasées, renversées sur le toit ou déplacées de leur fondation, un total de 21 maisons ont dû être démolies ou déménagées.
Selon Jacques, Roland et Fernand Therrien, deux comités de soutien avaient été mis sur pied, l'un pour les pertes matérielles, l'autre pour les pertes de vie. « Ma famille n'a jamais eu 1 ¢ pour le décès de mes frères, déplore Jacques Therrien. On a communiqué avec le curé de l'époque, Thomas Chouinard, puis avec le diocèse, qui nous ont répondu qu'ils n'avaient jamais eu d'argent. C'est pas vrai! » Les trois frères attribuent d'ailleurs la faillite de l'entreprise de leur père, quatre ans plus tard, au fait qu'il n'avait reçu aucune indemnité pour le décès de ses quatre fils, qui étaient aussi ses employés, tout comme pour la perte de son camion-benne.
Tiré de l’article de Johanne Fournier, Le Soleil