Dépôt du projet de loi «des hôpitaux»
Le 18 mai 1962, un projet de loi est déposé, plaçant désormais les hôpitaux sous le contrôle entier de l’État, mesure qui confirme l’amorce de la sécularisation du système hospitalier. Il s’agit du bill 44, qui est le fruit des recommandations des deux commissions sur les hôpitaux Jean-Talon et Fleury de Montréal. L’objectif est d’assurer la coordination du réseau des hôpitaux, qui étaient jusqu’alors sous le contrôle de communautés religieuses ou d’institutions privées disparates, « tant par la variété des services offerts que par la qualité inégale des soins et des équipements ». Ce bill transforme aussi les hôpitaux psychiatriques en hôpitaux publics, avec toute la réglementation administrative que cela comporte.
L’un des objectifs louables de la loi est de protéger le malade en éliminant tout but lucratif des institutions hospitalières. En substituant au système privé une médecine sociale, selon les termes d’Alphonse Couturier, ministre de la Santé, les hôpitaux ne seront plus « le fief de certains individus ou d’exploiteurs de la misère humaine ». (12 juin 1962)
Plus encore, l’État québécois autorisera l’établissement, la transformation ou l’agrandissement des hôpitaux. L’État pourra également créer des commissions de conciliation, dont le verdict sera définitif, dans la situation où il y aurait conflit entre le conseil d’administration et le bureau médical d’un hôpital public. La loi fixera surtout l’administration des hôpitaux par des règlements qui auront préséance sur les chartes locales d’hôpitaux. Elle autorise notamment l’ouverture de la direction des institutions aux médecins.
Ultimement, la loi uniformisera le mode de gestion des hôpitaux, dont les budgets seront soumis à l’approbation du gouvernement. Tous les biens acquis par les hôpitaux seront également gérés par l’État. C’est dire que l’État aura un « droit de regard sur toutes les activités des hôpitaux », qu’elles soient administratives ou médicales.
Pour l’opposition, qui formule ses récriminations le 12 juin, la loi constitue une étape supplémentaire vers l’étatisation, vers l’« enrégimentation » socialiste de la médecine et des services hospitaliers. Elle reproche au gouvernement de ne pas créer une régie de la santé, « indépendante de la politique », organisme intermédiaire entre les hôpitaux et le gouvernement.
Lesage, fin politicien, soutient la gestion du système hospitalier par l’État, mais nie que le bill 44 constitue une étape supplémentaire vers l’étatisation du système de santé : « L’idée d’étatiser la médecine et les hôpitaux du Québec est si loin de la pensée du gouvernement que le projet de loi 44 provient en grande partie des suggestions faites par les intéressés eux-mêmes [les associations hospitalières, les médecins]. » (22 juin 1962)
Le projet de loi reçoit la sanction royale le 6 juillet 1962. Puis l’accès universel aux soins de santé québécois sera complété en 1970, avec l’entrée en vigueur au Québec du programme d’assurance-santé du gouvernement fédéral, qui entérinera le paiement à l’acte médical.
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/26-3/introduction-historique.html?retourVersHistoire=oui