À San Francisco, le Jeudi Sanglant
Deux dockers sont tués par des policiers, ce qui donnera suite à la grève des dockers, qui deviendra générale
En pleine crise des années Trente, l'influence des syndicats révolutionnaires et du Parti Communiste se propage. Plus de la moitié des dockers est alors concernée par l'aide sociale gouvernementale, accordée aux plus pauvres. Et plus que jamais, la discrimination à l'embauche frappe tous ceux qui sont soupçonnés de sympathies révolutionnaires.
Début mars 1934, le syndicat menace d'organiser la plus grande grève jamais vue depuis le mouvement de 1919. Au milieu du mois de mai, ce sont 35 000 travailleurs qui sont en grève, démettant de ses fonctions le dirigeant local du syndicat, considéré comme traître à la cause. Et la grève s'étend peu à peu à tous les ports de la Côte Ouest.
Le patronat, quant à lui, peut compter sur les autorités, qui mobilise une centaine de policiers, mais aussi sur une clientèle de voyous qui attaquent régulièrement les piquets de grève. Edward McGrady, le négociateur délégué par Roosevelt, continue les négociations secrètes avec le chef de l'ILA, Joseph Ryan. Si les revendications salariales et horaires sont évoquées, le refus gouvernemental à propos du contrôle ouvrier sur l'embauche, et la rédaction de conventions collectives, reste ferme.
Dans tous les ports, Ryan tente de réduire la grève. Les assemblées générales de travailleurs refusent et le désavouent. A San Francisco, il est hué par la foule des grévistes. A cette déconfiture, il répondra en dénonçant l'infiltration du mouvement par des éléments " radicaux et communistes".
L'heure de la négociation s'achève, celui de la répression patronale brutale va bientôt commencer.
Le jeudi 5 juillet 1934, armée de gaz lacrymogènes et vomitifs, de fusils anti-émeutes, et de revolvers, la police protège les briseurs de grève payés par les patrons, afin de briser le blocus du port de San Francisco.
Près de 2000 barricades sont dressées par les grévistes, afin d'empêcher le passage des camions. La police montée attaque les piquets à coup de gaz, et les travailleurs les accueillent avec des jets de pierres, et des barres de fer, tenant leurs positions pendant près d'une heure et demie. 5000 d'entre eux bloquent désormais les voies de chemin de fer.
Les combats de rue s'enveniment, et la police fait usage des armes à feu... A l'angle des Steuart et Mission Street, deux grévistes Howard S. Sperry et Nicholas Bordoise, ne se relèvent pas et meurent quelques heures plus tard à l'hôpital.
Le 9 juillet, aux funérailles des victimes, un cortège de plus de 45 000 personnes, s'étendant sur près de 3 km, entre Ferry Building et Valencia Street, défile, dans une silence de mort, au son de la Marche Funèbre de Beethoven. Les travailleurs tiennent leur chapeau à la main, rejoints par les femmes et les enfants. La dignité et la solennité du défilé impressionne la population, et engendre une vague de sympathie dans la population de San Francisco. Fleurs et couronnes s’amoncellent là où sont tombés les victimes de la répression.
De nouveau, le patronat instrumentalise les voyous d'extrême-droite afin de provoquer des incidents, mais aussi des policiers déguisés en travailleurs. Le siège de l'IWW est saccagé, et trois cent travailleurs sont emprisonnés.
Mais le coup de grâce est porté par la bureaucratie syndicale elle-même, encourageant les camionneurs à la reprise du travail. Les dockers, isolés, mettent fin à leur grève le 31 juillet 1934.